26 juin 2024Tranche de vie

S’empêcher

Par Hani Ferland

Je me nomme Hani Ferland. Je prends des fois des photos. Des fois, je brode.... Lire la bio

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Avoir un corps, c’est pas aisé tout le temps.

Mes enfants m’ont traînée de force dans une glissade d’eau qui avait le nom inspirant de « L’anguille ».

Moi, mon plan de cette journée-là, c’était de tranquillement faire trempette dans la piscine à vagues pendant que le fruit de mes entrailles était game d’aller jouer avec la mort dans l’entièreté de l’offre de dangerosité offerte sur le site.

C’était bien naïf de ma part de penser que ça allait être facile de même comme plan parce qu’évidemment qu’un moment donné, ils ont voulu que je participe à leur folie de PULSION DE MORT (lire Freud à ce sujet).

« Enweye maman, ça va être le fun! » qu’ils m’ont suppliée, en en rajoutant une couche de leurs grands yeux de bichon maltais.

Moi, là, les maudits jeunes avec leurs maudits grands yeux de bichons maltais, là.

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Analepse

J’ai 8 ans.
Je passe toutes mes soirées dans le sous-sol à faire jouer des vinyles et à danser sur les airs pop-rocks propulsés par les haut-parleurs cheaps qui sonnent mal que’l maudit. M’en fous, je danse. C’est ma vie.
Pour Noël, ma mère m’offre un justaucorps de ballet jazz pour m’encourager, j’imagine, dans cette passion de danse qui m’habite. Je suis évidemment folle de joie.
« Ah ben! La p’tite bougraisse! » que j’entends dire dans l’assistance.
Je n’ai jamais mis le justaucorps de ballet jazz.

J’ai 11 ans.
Au cours d’éducation physique, nous allons faire du ski de fond. Je ne maîtrise pas du tout mon équilibre et je me plante comme une conne. Les autres rient. C’est drôle quand quelqu’un se plante ; c’est encore plus drôle quand c’est une petite grosse qui se plante. Ce soir-là, je suis débarquée de l’autobus et j’ai enlevé mes bottes pour marcher nu-bas dans la neige pour faire sûr de tomber malade et rater le prochain cours d’éduc. No way que j’allais revivre cet enfer.

J’ai whatever âge et j’ai toujours peur qu’un commentaire plate vienne briser mon peu de confiance en moi alors je fais rien qui risquerait de mettre en lumière mon corps. Je me conditionne à regarder les autres avoir du fun. J’aime mieux la sécurité que le fun.

Je m’empêche.
Je m’empêche parce que pour une seule personne qui va faire un commentaire plate, j’en aurai pour un cristi de boute à m’haïr et cette personne-là, elle va continuer sa journée, sa vie, comme si de rien n’était.

Avoir un corps, c’est pas aisé tout le temps.

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Retour aux glissades d’eau, à mes enfants, pis à leurs maudits grands yeux de chiens cutes.

Je les aime.
Je veux leur faire plaisir.
Ça leur fait plaisir de me voir hurler dans un tunnel.
SOIT.
Je cède.

Embarquer dans la grosse bouée? C’était ardu. J’ai dû avoir l’air ABSOLUMENT ridicule.
Débarquer de la grosse bouée? ENCORE PIRE.

Mais au final, moi, mes grosses cuisses veineuses, mon gros ventre strié de stretch marks, mes gros bras mous, mes grosses fesses pulpeuses, mais surtout MON GROS RIRE GRAS, on a eu ben du fun à essayer de pas mourir dans la glissade.

Peut-être que rendue à 45 ans, je peux me dire que c’est correct de vivre, peu importe ma shape, pis à me sacrer du regard des autres, des mots des autres.
Je souhaite à quiconque de le réaliser avant 45, parzempe.
Parce que c’est niaiseux de perdre autant de temps.

Amour xx

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